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Agnès Desolneux : mettre les images en équations

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 10 juin 2022 , mis à jour le 28 juin 2022

Agnès Desolneux est mathématicienne, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée au Centre Borelli (Univ. Paris-Saclay, CNRS, ENS Paris-Saclay, Univ. Paris Cité, Service de santé des armées, Inserm). Issu de la fusion, au début de l’année 2020, d’équipes de chercheurs et de chercheuses d’horizons divers, ce laboratoire de recherche regroupe plusieurs disciplines dont les mathématiques appliquées, la discipline d’Agnès Desolneux. La chercheuse est spécialisée dans la modélisation d’images à différentes fins applicatives.

Avec une mère mathématicienne et professeure des universités à Lyon, Agnès Desolneux prend goût très tôt pour la discipline. Elle fait ses classes préparatoires à Paris, puis passe le concours à l’ENS Paris et accomplit un parcours d’excellence : licence, maîtrise, DEA, agrégation. La jeune étudiante, qui a deux passions, les mathématiques et le cinéma, pense que ces deux mondes, trop différents, ne peuvent se rejoindre. Pourtant, au cours de sa scolarité à l’ENS, elle découvre tout le contraire. « Les tuteurs de l’École m’ont orientée vers un centre de recherches sur les images à l’Université Paris Dauphine : j’ai trouvé cela absolument génial ! » 

 

Concilier mathématiques et cinéma

Agnès Desolneux entame une thèse sur l’analyse statistique de détections dans des images, dirigée par Jean-Michel Morel. Elle la soutient en 2000 au Centre de mathématiques et leurs applications (CMLA) à l’ENS Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay). Au cours d’un trimestre organisé par l’Institut Henri Poincaré, la doctorante fait la connaissance du chercheur américain David Mumford, médaillé Fields en 1974. « Alors qu’il se consacrait plutôt aux mathématiques pures au début de sa carrière, j’ai eu la chance de le rencontrer au moment où il s’est intéressé à la modélisation des images. » Le mathématicien en fait son assistante de cours et lui propose de rédiger un ouvrage à partir de ses notes. Après de nombreux allers-retours entre la France et les États-Unis, le livre paraît en 2010

Entretemps, la chercheuse est recrutée au CNRS en 2001 comme chargée de recherche au laboratoire de mathématiques de l’Université Paris-Descartes. Elle y reste pendant dix ans avant de revenir au CMLA en 2011 à la faveur de sa promotion comme directrice de recherche CNRS.

 

De l’imagerie médicale aux jeux vidéo

À l’intersection entre probabilités et physique des systèmes d’imagerie, les modèles mathématiques permettent de tester le comportement des objets étudiés. « Je considère les images comme des objets mathématiques. À partir de là, je me pose des questions telles que : comment restaurer les images de mauvaise qualité ? Comment faire de la détection dans les images ou encore comment en générer de nouvelles pour diverses applications ? », explique Agnès Desolneux. Elle crée également des images de synthèse pour réaliser des essais cliniques virtuels. « Nous simulons par exemple sur ces images des lésions ou des calcifications. Nous visualisons ensuite s’il est possible de les détecter et si oui, à partir de quelle taille. » 

Parmi les applications possibles de ces travaux, l’imagerie médicale tient une place particulière. « À partir des mammographies, nous modélisons ce qui relève de la détectabilité de structures : nous cherchons à montrer ce qui est détectable ou non », explique la mathématicienne qui collabore avec l’entreprise GE Healthcare sur ce sujet.

D’autres applications plus ludiques existent, comme l’amélioration des images des jeux vidéo et des films d’animation, qui réclament toujours plus de réalisme. À l’opposé, on trouve aussi la restauration d’images : il s’agit d’enlever les phénomènes liés à l’altération chimique des pellicules anciennes des vieux films. « Mon travail s’équilibre entre réalisme et simplicité, entre la modélisation du phénomène physique (celle de l’altération, du « bruit » de la dégradation), qui doit être la plus réaliste possible, et la recherche de modèles mathématiques manipulables. » 

 

Identifier la composition de matériaux très anciens

Aujourd’hui, la mathématicienne collabore avec le Domaine d’intérêt majeur (DIM) Patrimoines matériels – innovation, expérimentation et résilience (PAMIR), le réseau de recherche francilien coordonné notamment par le chercheur Loïc Bertrand du laboratoire Photophysique et photochimie supramoléculaires et macromoléculaires (PPSM – Univ. Paris-Saclay, CNRS, ENS Paris-Saclay). Les recherches réalisées s’inscrivent dans le développement du volet « données, modélisations, statistiques » de l’analyse des matériaux du patrimoine ancien. « À partir des images spectrales des matériaux obtenues grâce au flux d’électrons et d’énergie du synchrotron SOLEIL, nous modélisons le phénomène physique pour analyser la composition chimique de ces matériaux, par exemple », expose Agnès Desolneux. 

La chercheuse est également membre Réseau thématique  Mathématiques de l'imagerie et de ses applications (GdR MIA) qui fédère toute la communauté scientifique des mathématiques pour l’image. 

 

Les mathématiques à l’Université Paris-Saclay

Bénéficiant du statut de professeure attachée à l’ENS Paris-Saclay, Agnès Desolneux enseigne au Département d’enseignement et de recherche de mathématiques, dont elle est également la directrice-adjointe. « Peu nombreuses et nombreux, et très intéressés, les normaliennes et les normaliens forment un public idéal. » La mathématicienne les encourage vivement à poursuivre leur parcours en thèse. « La formation par la recherche est toujours utile. La scolarité à l’ENS Paris-Saclay n’est pas une fin en soi. N’ayant aucune idée de ce qu’est la recherche en entrant dans cette École, elles et ils ont parfois des a priori, mais la plupart se prend au jeu. »
 
Agnès Desolneux est également directrice-adjointe de l’École doctorale de mathématiques Hadamard (EDMH). Elle y est plus particulièrement chargée du site de l’ENS Paris-Saclay. « Le regroupement de toutes les mathématiques de l’Université de Paris-Saclay constitue un réel changement. » Elle fait également partie du conseil de la Graduate School de Mathématiques de l’Université de Paris-Saclay. « Je trouve naturel de m’impliquer auprès des étudiantes et des étudiants, de les accompagner dans leur recherche de financement de thèse. Je trouve également naturel de participer aux réunions qui me font rencontrer d’autres chercheurs et chercheuses, de comprendre leur vision et leur fonctionnement. J’ai ainsi tout le loisir d’apprécier la variété des mathématiques à l’Université Paris-Saclay. Toutes ces actions collectives profitent à l’ensemble de cette communauté. »